J : la JEUNESSE de CLAUDE

En 1686 Louis XIV promulgue les lettres patentes qui marquent la création de la maison royale d'éducation de Saint-Louis à Saint-Cyr près de Versailles née de la volonté de Mme de Maintenon. De 1686 à 1792, 3155 jeunes filles de la noblesse majoritairement du second ordre seront admises à Saint-Cyr afin d'y recevoir une éducation religieuse, intellectuelle, manuelle et artistique. La volonté première est de former en priorité de bonnes épouses et de bonnes mères : les demoiselles seront soit mariées, soit prendront le voile. Mme de Maintenon encourage les maîtresses à instruire leurs élèves des avantages et des inconvénients de chaque état, pour leur permettre de choisir en fonction de leur personnalité et en faire de « bonnes religieuses » ou de « bonnes femmes » car « une mauvaise religieuse n’est pas plus heureuse qu’une femme mariée ». 

C'est là que Claude passera une partie de son enfance et de sa jeunesse. Claude Charlotte de Roucy est née en 1707 dans les Ardennes au sein d'une  famille d'ancienne noblesse  dont les branches cadettes ont vu au fur et à mesure des successions leur patrimoine s'amoindrir. Son père Samuel François de Roucy possède diverses seigneuries, il est lieutenant d'infanterie au régiment d'Artois en 1681 et 1693, puis capitaine au régiment de Limousin en 1715. 
Ses preuves sont présentées à Saint-Cyr le 4 février 1707 quelques jours avant son arrivée. Son bulletin de sortie date quant à lui du 18 août 1727 trois jours après avoir fêté ses 20 ans.
Dix ans d'une enfance et d'une adolescence loin de sa famille dans un cadre particulier où les journées sont conformes sous bien des aspects à ce qui se faisait dans les couvents féminins : instruction religieuse et morale, lecture écriture, calcul et travaux d'aiguilles. Devenir une bonne épouse ou une bonne religieuse et effacer tout signe de son origine jusque dans son langage. En effet la langue maternelle de ces demoiselles est souvent le patois de leur région, elles parlent français mais le maitrisent mal avec un accent qu'elles devront perdre. La volonté de distinction relève d'une bonne prononciation et de l'art de la conversation grâce à la pratique du théâtre du chant, de la musique et de la danse.

« Les demoiselles se lèvent à six heures comme les dames. Huit des grandes et quatre de celles qui sont au-dessous vont aider à psalmodier les heures avant la messe, le reste sortant des dortoirs à sept heures trois quarts pour s’y rendre. Après quoi elles déjeunent jusqu’à neuf heures qu’elles font une leçon générale de lecture ; à dix, on les fait écrire et jeter jusques à onze qu’elles vont au réfectoire. Ensuite, elles ont récréation jusqu’à une heure. On leur fait alors une lecture d’édification pendant qu’elles travaillent en broderie, tapisserie ou linge jusques à deux heures qu’on leur montre l’orthographe. Ensuite, elles font collation jusques trois heures, sans sortir de leurs classes. À trois heures, l’on recommence les leçons d’écriture, de lecture, et de jet, travaillant ensuite jusques à quatre heures trois quarts qu’elles se disposent d’aller à vêpres qui durent jusques à cinq et demie. Le catéchisme se fait ensuite dans le chœur même, qui dure jusques à six heures qu’elles vont au réfectoire. Ensuite récréation et la retraite en même temps que les dames. Les plus petites font les mêmes observances à l’exception du travail, leurs leçons étant conformes à leur âge. On apprend à chanter à celles qui ont de la voix des chants de l’Église qui ont été composés particulièrement pour cette maison ne tenant rien du plein chant ni de la musique. On leur fait aussi chanter des airs de musique pour leur récréation, et réciter des vers de quelque tragédie sainte pour leur apprendre à bien parler et leur ôter le patois des provinces ; et l’on n’oublie rien pour leur donner de la piété, de la grâce, de la politesse et pour leur former l’esprit » 

Le 4 mai 1730, l'institution la dote et elle épouse le 24 juin de la même année Guillaume François de la Chevardière de la Grandville un noble ardennais. Claude donnera naissance à onze enfants et décèdera en 1784 à l'âge de 77 ans. Gageons qu'elle ait satisfait aux désirs des dames de Saint-Cyr mais surtout qu'elle ait été plus heureuse que si elle avait pris le voile...

Demoiselle de Saint-Cyr de la 2e classe - Gallica BNF
"A Paris, chez N. Arnoult, rue de la Fromagerie a L'Image St-Claude aux Halles. Avec pri. du Roy",



Commentaires

  1. Beau parcours ! C'est rare d'arriver à obtenir autant d'informations sur les femmes.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire