T comme Troisième Corps : les Merciers

On peut qualifier les corporations de marchands, de communautés dont la participation était obligatoire, pourvues d'une réglementation et d'un pouvoir incluant toutes les personnes exerçant publiquement le même métier au sein d'une circonscription définie : ici Paris. 

La corporation des merciers fait partie des Six Corps (drapiers, épiciers, merciers, fourreurs, bonnetiers, orfèvres). Ce terme désigne les corps de métier des marchands de la ville de Paris. Les Six Corps ne comprennent pas les corps de métiers qui n'étaient pas marchands :
- métiers de l'Université de Paris : ciriers, médecins, libraires...
- métiers banaux relevant d'un officier de la Couronne : bouchers, boulangers, fourbisseurs d'armes, maçons, charpentiers, peintres...
Ces Six Corps étant subdivisés en sous-corps possédant chacun une spécialité.

Jeton de la corporation des marchands merciers - 1704

En 1570 les merciers sont exemptés des visites des jurés des autres métiers. En 1582 ils sont placés dans le premier rang qui constitue les Six Corps. En 1613, ils affirment à nouveau leur liberté marchande. Ils sont alors placés au troisième rang. 
Les marchands merciers étaient des "marchands de marchandises" et plus simplement des commerçants qui achetaient pour revendre. Leur bureau se tient alors rue Quincampoix.
Diderot les traite dans l'Encyclopédie de "marchands de tout et faiseurs de rien", tandis que dans le Dictionnaire Universel du Commerce, Savary des Brulons indique : "Ce corps est considéré comme le plus noble et le plus excellent de tous les corps des marchands, d’autant que ceux qui le composent ne travaillent point et ne font aucun ouvrage de la main, si ce n’est pour enjoliver les choses qui se sont déjà faites et fabriquées". 
Le Dictionnaire de Savary définit bien leur fonction plus tard : "ceux qui vendent des tableaux, des estampes, des candélabres, des bras, des girandoles de cuivre doré et de bronze, des lustres de cristal, les figures de bronze, de marbre, de bois et d’autre matière, des pendules, horloges et montres ; des cabinets, coffres, armoires, tables, tablettes, et guéridons de bois de rapport et doré, des tables de marbre et autre marchandises et curiosités propres pour l’ornement des appartements".

Après la faillite de nombre de merciers dès la fin du XVIIème siècle, faillites dues à divers facteurs tels que la conjoncture économique, la mauvaise tenue des comptes ou le recours trop fréquent au crédit fragilisant les commerces et plus particulièrement les merciers, le XVIIIème siècle voit l'émergence de quelques familles notoires. Le troisième corps devient alors le temple du luxe à la française avec les merciers DAGUERRE, HEBERT, DUVAUX... On peut admirer les objets qui avaient leur faveur au Musée Cognacq-Jay en visitant l'exposition "La Fabrique du Luxe".



La famille GOUSSAULT fut "mercier" de père en fils. Il semblerait que le premier fut Jacques GOUSSAULT dont la mère Jacquine DEAN fraichement veuve de  Jean GOUSSAULT, maître paumier à Chateau-du-Loir dans le Maine, mit en apprentissage son fils Jacques alors âgé de 17 ans comme mercier. J'ai trouvé mention du contrat d'apprentissage de Jacques sur la SIV, mais le document est incommunicable sauf demande exceptionnelle que je vais m'empresser de faire. Pourquoi Paris ? Pourquoi mercier ?
Afin de devenir mercier il fallait réaliser 3 années d'apprentissage et servir encore 3 années et Théodore GUILLAUME, marchand au Palais fut le maitre du jeune Jacques.

Peu de temps après, le frère cadet de Jacques, prénommé Jean, arrive lui aussi à Paris puisque on le retrouve en 1654 exerçant la qualité de mercier et épousant Marcelle CORRÉ la sœur de l'épouse de Jacques. Lors de la lecture de l'inventaire après décès de Jean en 1690, on peut estimer qu'il ne fait pas partie des merciers ruinés puisqu'il laisse à ses héritiers un grand nombre de biens. C'est lui qui vend à son neveu François GOUSSAULT, le père de Magdeleine, la boutique qu'il possédait au Palais. Le fils de Jean prénommé comme son oncle Jacques fut lui aussi mercier. 
François disparait de mon champ de vision dès le début du XVIIIème siècle et n'eut à ma connaissance comme enfant que Magdeleine. Quant à Jacques son cousin germain, aucune de ses trois filles n'épousât un mercier.

Sources :
- Revers de fortune : appauvrissement et déclassement dans la mercerie parisienne de la fin du XVIIe siècle à la Révolution - Croq Laurence, « Les chemins de la mercerie, le renouvellement de la marchandise parisienne (années 1660-1760) », in Mobilité et transmission dans les sociétés européennes (XVIe-XVIIIe siècles)
- Confréries de métier et corporations à Paris (XVIIe-XVIIIe) - David Garrioch : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-etcontemporaine- 2018-1-page-95.htm
- Le commerce des objets d'art et les marchands merciers à Paris au XVIIIe siècle - Pierre Verlet : https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1958_num_13_1_2705
- Rose-Marie Herda-Mousseaux, La fabrique du luxe, les marchands merciers parisiens du XVIIIe siècle, Paris, Musée Cognacq-Jay, Catalogue d'exposition, 2018.

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